"Pour moi ce qui est important, c’est de partager les émotions." Entretien avec Lewis OfMan
Il fallait bien une soirée Sun, avec Lewis Ofman et Myd, pour braver les intempéries. Une soirée de concerts qui restera dans les mémoires. Une armée de courageux·ses est venue passer un Bon Moment dans la boue. Une soirée mémorable aussi pour Lewis Ofman, avec qui on a eu une petite discussion après son live.
On va commencer par une question météorologique, c’est de circonstance on va dire, est-ce que tu as des météos favorites pour créer, ou pour te mettre dans des états ?
J’aime bien la pluie quand il est 16h30, et que je suis chez moi dans un mood cosy. Bizarrement la pluie rend ma création plus branchée. J’ai l’impression d’être très sérieux, à travailler comme ça sous la pluie.
En plus tes chansons ne sont pas si tristes...
Nan ! Bon, après ce qui va arriver, il y aura des choses un peu plus sombres. Mais ce ne sont pas des chansons tristes comme de la tristesse fatale. C’est plus de la nostalgie.
Tu fais de la musique pour qui ?
Pour les gens, et pour moi en deuxième position. Je suis asservi à comment les gens vont pouvoir être pénétrés par ma musique. Ce qui est important c’est qu’ils soient pénétrés par la musique.
Par exemple, quand je fais écouter à des gens et qu’ils ne sentent pas une chanson, je ne suis pas content. J’ai l’impression que la chanson n’aura pas accompli son devoir. Je ne suis pas du tout dans le truc « je fais de la musique pour moi ». Pour moi ce qui est important c’est de partager l’émotion que j’ai voulu retranscrire en chanson.
Quand tu es en live, est-ce que tu es du genre à prendre des habitudes, ou à traquer les premières fois ?
Je ne prévois jamais comment ça va se passer. Quand j’arrive je brise la glace, comme ça les gens sont face à un humain qui n’est pas en train de faire un spectacle, mais plutôt en train de faire une performance. J’arrive et je me présente. Je suis Lewis, je suis un nouvel humain dans le live et je viens proposer quelque chose qui est entièrement moi.
Ça change tout le temps, par exemple là ce soir, il y a des chansons que je n’ai pas joué parce qu’elles étaient trop calmes et les gens étaient énervés. Ma façon de jouer changeait car j’essayais de montrer que j’étais comme eux plus ou moins sous la pluie à galérer. J’y mettais beaucoup d'efforts. Mais j’ai quand même des mooves récurrents, comme la structure du live, même si ce soir je l’ai adapté.
La voix dans un morceau pour toi, elle a quelle importance ? Comment l’alchimiste que tu es gère les alliages entre la voix et les sonorités ?
Dans la chanson où je chante, elle vient exprimer encore plus le sujet avec ma voix à moi. C’est une chanson où je me dis ce n’est pas suffisant qu’elle soit instrumentale, et je ressens le besoin de chanter avec ma voix. Justement un peu comme un synthé qui joue une mélodie, je vais le faire avec ma voix avec les mêmes mots. C’est pour ça que ce sont souvent les mêmes mots dans mes chansons. Pour verbaliser une émotion directe comme « je pense à toi » je vais le dire à fond. C’est comme si je prenais de la boue par terre, que je la lance et que je le raconte : ça représente les choses.
Ta musique s'attache aux émotions, à l'amour etc, est-ce que cette pause t’a aidé dans ta créativité ou au contraire t’a bloqué vu la situation de distanciation ?
Elle m’a totalement aidée car j’ai trouvé que les relations étaient plus intenses et plus vives. Je contemplais ma chance d’être là et ça m’a amené à des situations très intéressantes où on découvre des nouvelles choses, ou on perd son insouciance, son innocence. On va vers tous les extrêmes.
C’était très intéressant car j’ai réalisé que l’album que j’avais fini avant le confinement, ne l’était pas. Là d’un coup j’ai découvert ma vie adulte, mature, parce que j’ai été couvé dans une relation assez longue donc je n’avais pas été touché par des émotions qu’on peut ressentir quand on est tout seul.
Tes morceaux tu les as laissés tels quels ou au contraire tu les as retravaillés ?
Ils sont restés comme ils étaient car leur insouciance représentait des émotions intéressantes. C’était pas mal de mélanger des choses insouciantes comme ça, avec des chansons totalement démoniaques.
Tu es un artiste qui collabore beaucoup, qu’est-ce que tu vas chercher dans ces échanges ? Comment on vit une période de confinement quand on crée avec les autres ?
J’ai réduit les collab parce que j’avais la flemme d’en faire mais aussi car je venais d’avoir mon studio. Il y avait pas mal de monde qui venait et j’ai fait pas mal de one-shot, que des albums avec des collaborations pour des gens. J’ai rencontré plein d’artistes avec qui j’ai fait de la musique, c’était cool. C’est plus que je ne me suis pas lancé dans des aventures énormes avec eux.
D’ailleurs ça m'a saoulé de faire des sons comme ça, je préfère quand ça s'inscrit dans un vrai projet.
Tu préfèrerais faire de la musique heureuse dans un monde triste, ou de la musique triste dans un monde heureux ? C’est quoi ta définition de la Première Pluie ?
De la musique triste dans un monde heureux. Parce que je considère que la musique triste est heureuse. La musique triste me fait rêver. J’écoute des trucs que les gens peuvent considérer comme tristes. Il ne faut pas confondre triste et déprimant, d’ailleurs.
Définition de la première pluie ?
Ces derniers temps la pluie était très présente dans ma vie. Ça fait 3 concerts où il pleut et ces trois concerts riment avec un moment où je suis en train de m’entrainer sur ma façon de jouer la musique. Cette première pluie j’ai l’impression qu’elle coïncide avec l'arrivée de la nouvelle version de moi-même.
Pour toi c’est quoi la recette pour passer un bon moment ?
Avoir le ventre bien vide, parce que ça empêche de penser à des choses trop terre-à-terre. Et pour que tout le monde soit content dans un endroit il faut qu’il y ait de bonnes toilettes.
Par Eloïse Dave
Photo : Benpi
Durant toute la durée du festival, le collectif Première Pluie s’empare de Splash, le blog de L’Autre Canal.
Retrouvez billets d’humeur, photos, compte-rendus des concerts, des interviews d’artistes, de chefs restaurateurs et autres contenus imprévisibles ! Le collectif Première Pluie, c’est un blog nancéien et c’est bientôt un magazine à Nancy !