"On a l’impression de reprendre avec la ferveur du débutant !" entretien avec Catastrophe
S’il y a bien un groupe qui transforme sa musique sur scène et à qui le live a dû manquer, c’est Catastrophe. Savant ballet pop, qui joue des sensations élémentaires, le groupe a animé Bon Moment pour son lancement. La prairie était en feu, heureusement que la scène est au bord de l’eau. Petite discussion.
Comment vous vivez le retour à la scène, après la “pause” ?
Pierre : Ça nous fait beaucoup de bien déjà, même si c’est un peu une évidence. Ça nous a beaucoup manqué. On ne retrouvait pas dans les live-streams et autres captations l’intensité qu’on peut trouver sur scène. Donc on est très heureux.
Arthur : Il y a un côté étrange. Les choses ont repris presque normalement. On a eu un mois de juin avec beaucoup de dates. Pareil pour Juillet. Il y a un côté un peu surnaturel qui fait que quand ça reprend, ça reprend bien.
Carol : Ce qui est touchant aussi, c’est qu’on a l’impression de reprendre avec la ferveur du débutant. C’est comme nos premiers concerts. C’est beau de voir le public, à qui tu sens que ça a manqué aussi. On réapprend toutes et tous. Il y a un truc de feu sacré qui est très agréable.
Est-ce que l’album a été créé avant le covid ?
Pierre : La réponse est oui.
Donc l’écho de certains morceaux avec la situation, ça vous amène vous aussi à des réinterprétations ? Comme sur Solastalgie.
Pierre : C’est vrai qu’il y a des échos. Dans Visages on dit qu’on veut voir les visages des gens sans les masques.
Arthur : Même dans Les Méridiens ou avec l’idée du Vide. L’album a été enregistré en décembre 2019. On a commencé à l’écrire presque un an avant. Le thème c’était le temps, et comment le temps réagit, découvrir si on peut l'arrêter. Avec le confinement, le temps s’est arrêté, le temps collectif.
Carol : On ne s’explique pas trop la cohérence de l’album avec la période. On voit cette synchronicité avec l’époque. Donc on a évidemment mis l’accent dessus. Sur les phrases en résonance. Mais ce n’était pas prémédité.
Pierre : De toutes façons, une fois que la chanson existe, est produite, sortie, elle fait son chemin dans le monde et ne nous appartient plus. Elle peut prendre d’autres significations, d’autres personnes peuvent se l’approprier autrement. Nous ne sommes pas dépositaires du sens de la chanson.
En écoutant l’album, on ressent la force du banal qui devient poétique, comme chez Philippe Katerine par exemple. C’est une inspiration, l’absurde, le quotidien ?
Pierre : Philippe Katerine c’est une grande inspiration pour nous. Parce qu’il y a un côté très poétique, avec une grande pudeur d’humour. L’humour c’est important. Il faut que ça reste léger.
Arthur : Il y a quelques années, on faisait d’autres médiums. Maintenant qu’on travaille spécifiquement sur des morceaux, on sait comment les axer. Je pense que c’est plus intéressant de partir sur des choses banales pour les ouvrir sur des choses universelles. L’inverse est plus tendu. Partir de l’universel, on se rend compte que ça touche moins.
Carol : Il vaut mieux partir de l’infiniment petit, des détails.
Arthur : Je ne sais plus qui disait ça, mais : Si tu veux parler du monde, parle du village. On a écrit l’album ensemble, avec la joie de discuter des choses qui nous marquent. Et qui au final marquent maintenant les gens qui écoutent notre musique.
Vous préférez faire de la musique triste dans un monde joyeux ou de la musique joyeuse dans un monde triste ?
Carol : Très bonne question. Je pense qu’on aime faire les deux. Si le monde est triste, on ressent le besoin de faire de la musique joyeuse, et inversement.
Pierre : Je crois que j’aurais aimé vivre dans un monde joyeux et faire de la musique triste. À choisir. C’est vrai qu’on ressent un besoin de compenser.
Carol : C’est vrai que ça peut être une frustration de ne pas pouvoir être pleinement mélancolique, pour ne pas écraser davantage les gens. Pierre a raison, on aimerait bien vivre dans un monde qui va bien pour pouvoir être profondément désespérés. Mais là on sait qu’on ne peut pas se le permettre.
Par Eloise Dave, Elise Limacher, Marie Tissot.
Photos par Benpi.
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