Elle initie des jeunes au dessin, entretien avec Margot Spindler
Pendant deux semaines, des jeunes du S.A.M.I.E (Service d'Accompagnement des Mineurs Isolés Étrangers) ont pu suivre en immersion les résidences de Matt Elliott et Ladislava à L'Autre Canal et immortaliser leur expérience sur papier grâce aux tutos dessins de l'illustratrice Margot Spindler. Entretien.
Est-ce que tu peux te présenter ?
Je m’appelle Margot Spindler et je suis dessinatrice.
Quel est ton rapport au dessin, depuis quand en fais-tu ?
C’est un peu traditionnel comme réponse mais je fais du dessin depuis toujours, dans les marges de mes cahiers. J’ai toujours beaucoup dessiné mais je le fais professionnellement depuis 2019 quand c’est devenu mon métier. J’ai fait des expositions et beaucoup d’ateliers pédagogiques dans des contextes très divers : en milieu carcéral, en maison de retraite ou avec des enfants. J’essaye d’articuler ma pratique personnelle avec une approche sociale et ça me semble vraiment important. C’est comme ça que je mets aussi du sens dans ce que je fais.
Peux-tu nous parler de ce que tu as fait pendant ces semaines à L’Autre Canal ?
Je suis venue à L’Autre Canal pour partager une pratique du dessin que j’affectionne énormément qui est le dessin d’observation. J’ai vraiment commencé comme ça en dessinant ce qu’il y avait devant moi, en dessinant les gens, les anecdotes que j’entendais ou que je voyais dans les cafés. Et à L’Autre Canal je viens faire des carnets d’observation pendant que des musiciens sont en résidence. Je fais comme une sorte de résidence en parallèle où je fais ces carnets avec des jeunes du S.A.M.I.E (Service d'Accompagnement des Mineurs Isolés Étrangers) et je leur apprends des techniques diverses de dessin d’imagination et d’observation. Ensemble, on documente leur découverte de L’Autre Canal.
Comment sais-tu quand tu as réussi un atelier ?
C’est une bonne question. Par exemple hier, j’ai eu le cas où je n’étais pas tout à fait sûr qu’ils avaient apprécié ou accroché car parfois on a des groupes qui sont très timides, qui n’osent pas vraiment s’exprimer. Et dans ces cas-là je prends vraiment un temps à la fin de la séance où je fais un tour de table pour leur demander ce qu’ils ont pensé de l’atelier, ce qu’ils ont trouvé difficile, ce qu’ils ont aimé faire, ou non. Souvent dire ce qui a été difficile c’est plus facile pour eux, plutôt que de dire « j’aime pas ». Une séance réussie c’est quand je n’ai pas de doutes, qu’il n’y a pas forcément besoin de faire ce tour de table. Ou alors même quand on le fait et que tout le monde me dit qu’il a apprécié, ce qu’il a préféré, qu’on arrive à rire pendant la séance. Et aussi quand il y a l’envie de continuer, quand ils demandent ce qu’on va faire demain, quand ils sont déçus de ne pas revenir ou quand est la prochaine séance, voilà, là je pense que c’est réussi.
Quel est le plus beau retour que tu peux avoir après une action de ce type ?
Le plus beau retour est aussi celui qui vient de l’extérieur, de la part de gens qui n’ont pas du tout assisté aux ateliers. Ils peuvent être sensibilisés quand on leur parle de l’action mais ils peuvent aussi être surpris par le résultat et la qualité graphique de ce qui est produit. C’est des choses que j’essaye de mettre en valeur et qu’on va mettre en valeur avec L’Autre Canal car on va faire un petit format imprimé pour montrer ce que les jeunes ont fait. Les beaux retours c’est aussi quand les gens prennent conscience que graphiquement ça a beaucoup de valeur, les rendus qui sont faits par les jeunes et des élèves en général dans ces ateliers.
Comment captes-tu leur intérêt ?
J’ai des petites astuces pour essayer de susciter leur intérêt ou de capter leur attention. En fait quand tu travailles avec des ados ou des adultes, la plus grosse difficulté c’est l’appréhension. Les gens appréhendent de dessiner, ils sont persuadés qu’ils ne savent pas dessiner, qu’ils ne savent rien faire. Et c’est surtout ça qu’il faut essayer de transformer pour faire dessiner les gens. J’ai tout un tas d’exercices qui laissent de la place à l’erreur : par exemple je fais dessiner les yeux fermés ou sans regarder le carnet et ça fait une approche du dessin qui est beaucoup plus ludique. D’une part ça nous fait tous rire quand on découvre ce qu’on a dessiné les yeux fermés ça permet d’être plus relâché. Et quand on va dessiner normalement en regardant sa main et son crayon, tout paraît plus facile. C’est laisser la place à l’accident, montrer que des dessins qu’on pourrait penser ratés ont de la valeur et essayer de faire céder les appréhensions.
Sur ces ateliers tu es là plusieurs jours, as-tu un fil rouge selon les jours, les séances ?
Il y a un fil rouge dans les ateliers mais ça s’adapte beaucoup aux groupes à chaque fois. J’essaye de voir comment le groupe fonctionne, comment les gens s’entendent entre eux. C’est beaucoup plus facile quand ils s’entendent bien car il y a moins d’appréhension à montrer ce qu’on fait. Et ici la difficulté c’est que ce sont des groupes où il y a des personnes qui ne parlent pas du tout ni le français, ni l’anglais. Donc il y a cette barrière de la langue qu’il faut réussir à transformer, trouver un langage commun. Et dans cette résidence là c’est très intéressant car il y a le langage commun du dessin et de la musique pour communiquer. Le fil rouge c’est donc de casser petit à petit les barrières, leur montrer qu’ils sont capables de faire des choses, de les dessiner. Et d’aller au fur et à mesure vers plus d’autonomie où c’est eux qui décident ce qu’ils veulent dessiner, de représenter.
Vous pouvez retrouver le travail de Margot Spindler sur son site ou sur son Instagram !