Il initie des enfants au beatbox, entretien avec Mister groove
L'Autre Canal a initié un parcours beatbox avec des élèves de l’école Marcel Leroy (Nancy) et des lycéens du Lycée La Malgrange à Jarville : visite, spectacle, atelier, découverte du son et rencontre avec des artistes. L'initiation au beatbox a été l'un des temps forts du parcours et nous avons échangé avec Polo, beatboxeur qui a animé l'atelier.
Peux-tu te présenter ?
Je suis Paul Vignes aka Polo ou Mister Groove dans le milieu du beatbox. Je suis musicien comédien avec une spécialité beatbox, professionnel depuis 10 ans. Je fais essentiellement du théâtre musical, du concert et j’ai une collaboration active avec le CNRS qui m’amène à bosser avec plusieurs laboratoires à Paris et Grenoble.
Que faisais-tu aujourd'hui avec autant d’enfants ?
Je menais une initiation beatbox avec des lycéens spécialité théâtre et spécialité musique ainsi qu’une classe de CM2, entre une heure trente et deux heures à chaque fois. On voit les bases du beatbox et on fait une initiation sur des techniques vocales atypiques : scat, yodle et chant diphonique.
Peux-tu les expliquer ?
Le scat, c’est un courant du jazz avec des onomatopées, dénué de parole et de sens, typiquement jazz. Le yodle est un chant traditionnel du Tyrol, qu’on retrouve dans la country aujourd’hui, mais à la base c’est des Alpes suisses-allemandes. Enfin, le chant diphonique, c’est une technique de chant ancestral essentiellement présente en Mongolie, au Tibet et en Afrique subsaharienne. Elle permet de chanter deux notes en même temps : un bourdon et une harmonique.
Comment capter l’intérêt d’un public jeune avec des techniques aussi précises ?
Avec une matière un peu fun à la base ! (rires) J’essaie d’avoir une approche qui s’éloigne de l’aspect démonstratif et technique pour amener quelque chose de plus musical et plus instrumental. Aussi, j’ai l’utilisation d’un vocabulaire anatomique et phonétique pour la méthode qui permet de se pencher sur la recherche du son avec le corps.
Comment construis-tu un atelier ?
Moitié de pratique, moitié d’explications. Cela reste une initiation qui part de zéro, c’est un vrai plongeon dans la discipline. Il s’agit alors de donner un maximum de pistes pour ainsi repartir avec assez d’éléments pour avoir quelque chose dans lequel ils se sentent bon. C’est une approche globale, avec un peu d’histoire au tout début puis un rapprochement avec le langage. Le beatbox est un langage qui sert à parler la musique et tout est construit autour de consonnes à hyperarticuler.
Comment sais-tu si tu as réussi une intervention ?
En fonction du résultat. Généralement c’est bon, car il y a un phénomène de groupes qui permet de fédérer assez rapidement. Mon objectif est vraiment de démystifier la pratique et faire sauter la pudeur. Quand j’ai des jeunes qui ont compris qu’il était possible de sortir des sons à partir de leur anatomie, ma mission est remplie, et quand 97% des jeunes sortent des sons ensemble, alors c’est une victoire !
Quel est le plus beau retour que tu puisses avoir ?
Quand je reviens quelques années plus tard et que je vois qu’un participant à un atelier passé s’est engagé dans une pratique ! Quand la rencontre avec la méthode et l’intervention libère une passion, c’est le plus cadeau qu’on puisse me faire, et c’est un peu un objectif au sens très personnel. Sinon, dans un registre un peu plus atypique et drôle, un ornithologue (ndr : quelqu’un qui étudie les oiseaux) est déjà venu me voir après un atelier pour me lister (je fais des sifflements d’oiseaux) trois oiseaux qu’il avait reconnus dans ce que j’avais fait ! Il me dit « le rossignol, la mésange noire, … » (rires) ; je lui ai clairement dit que je faisais ça par mimétisme sans connaître les oiseaux, mais c’est top que ça parle à un ornithologue. Je n’aurais clairement pas misé dessus. Sinon, évidemment, les restitutions après des ateliers, c’est un super cadeau : tu vois l’engagement dans lequel les participants sont et le plaisir qu’ils y prennent. Il y a des individus qui se révèlent, par rapport à la scène ou la confiance en soit, et c’est un cadeau magnifique.
Propos recueillis le 15 décembre, sortie d’atelier