« Remplacer un plaisir par un autre ». Retour sur l'action en lien avec le service Addictologie du CPN.
En lien avec le Service Addictologie du CPN (Centre Psychothérapeutique de Nancy) et l’artiste Bijou, L’Autre Canal a monté ce projet autour de la pratique collective du chant. Ces six ateliers ont lieu au sein même de LAC avec comme volonté centrale de sortir les patient•es hors les murs.
Nous les retrouvons dans les studios d’enregistrement, après la phase finale du projet pour récolter leur ressenti. Rencontre avec deux patient•es, leur référente de projet et Bijou.
Hello Bijou. Tu es musicienne et nancéienne, est-ce la première fois que tu mènes un projet de ce type avec LAC ?
J’étais déjà intervenue quelques heures sur un atelier. C’était très différent car tout était préparé en avance et c’était très court. C’est donc la première fois que j’exerce dans ce cadre-là. Je ne savais pas trop comment appréhender les choses. Clôturer un projet de A à Z c’est déjà un grand défi au quotidien pour moi alors c’était un très bon objectif de devoir faire ça avec des patient.es et de les accompagner. C’était d’autant plus stressant pour moi car je voulais vraiment être à la hauteur pour les patients, vous apporter un endroit différent de votre quotidien et du mien.
En tant que participant•e, comment avez-vous appréhendé l’exercice, à quoi vous attendiez-vous ?
- Dès lors qu’on nous a parlé de L’Autre Canal, on avait une idée d’à quoi s’attendre. Mais je ne m’attendais pas à du chant mais plutôt à toucher aux instruments. C’était une surprise, mais une bonne, notamment de découvrir deux artistes : Bijou et Camélia Jordana, que je connaissais de nom sans avoir jamais vraiment écouté ses titres. Un super accueil, c’était génial. Hâte que ça se renouvelle !
- Moi personnellement, j’avais entendu parler du projet plus précisément. C’était un challenge car je ne chante pas bien mais ma référente a réussi à me mettre en confiance car elle me connaît bien. J’ai trouvé que c’était une grande chance de visiter L’Autre Canal. Je ne pensais pas qu’il y avait autant de choses au niveau des loges, où les artistes mangent… Il y a une logistique incroyable. C’est une grande chance de venir à un endroit avec des professionnels. J’ai beaucoup aimé Bijou. Pour moi c’était compliqué de chanter devant les autres. Jamais dans ma vie je n’aurais pensé faire ça. J’ai trouvé ça très stimulant.
Quel est votre rapport à la musique ?
- J’aime beaucoup la musique, d’ailleurs durant cette période j’ai écouté beaucoup de musique. J’ai déjà pratiqué du piano mais je suis trop stressée et je tremble, c’était donc trop compliqué d’en jouer.
- Je joue sur ma table de mixage Roland. J’aime bien dire que je suis un musicien solo, je joue pour moi. Ma musique c’est ma musique. Passer au collectif c’est complètement autre chose, je suis complètement hors confort. J’avais mon truc à moi, mais le fait de m’ouvrir un peu j’adore, on en apprend beaucoup. Ça paraît pas grand-chose mais on apprend beaucoup, ne serait-ce qu’avec soi-même.
Qu’est-ce que vous préférez et qui vous marque le plus dans cette expérience ?
- Découvrir qu’on avait autant de muscles dans la bouche pendant les exercices et qu’il y a autant de choses à faire pour se préparer en tant qu’artiste. J’ai profité de toutes les minutes. Arriver et se dire qu’on va profiter au max. Les activités permettent d’oublier les trucs à côté, et encore plus quand c’est en rapport avec la musique, c’est cadeau !
- Mon moment marquant c’est aujourd’hui (ndlr : le jour de l’enregistrement). C’est un aboutissement et c’est très valorisant d’avoir quelqu’un qui vous enregistre. J’ai trouvé ça très intéressant et je me suis rendu compte, alors qu’on se dit souvent qu’être chanteur ça ne doit pas être très fatiguant et que c’est facile de chanter, ça demande beaucoup de concentration et c’est très physique.
En tant qu’accompagnatrice, quel est votre rôle au sein de ce projet ?
On doit rassurer les patients en leur montrant que l’on sera toujours là. C’est un gros challenge pour nous de faire venir les patients, de leur faire comprendre que c’est un engagement en prenant en compte les allers et venues de chacun. Je suis ravie, j’ai vu plein de belles choses. Au-delà de l’aspect thérapeutique, ça me permet de voir l’évolution et l’émancipation. Il y a un intérêt bien supérieur sur des ateliers que sur une sortie ponctuelle. Ils l’ont dit eux même, sur leur confiance, ce qu’ils ont à l’intérieur et l’ouverture à l’art qui est indispensable. Remplacer un plaisir par un autre.
Comment choisissez-vous et motivez-vous les participant-es ?
Au XAPA, nous avons chacun des patients que l’on suit, nous sommes leur référent. En plus de ça, nous pouvons être responsable d’une activité, porter un projet. Je suis référente de P, donc je la connaîs bien désormais. J’ai pu lui en parler de manière plus poussée. J’en ai parlé à mes collègues mais je n’ai pas précisé que c’était du chant afin de ne pas leur faire peur. Le chant, j’avais peur que ça repousse qu’on se dise « grosse exposition, ça fait peur je ne veux pas y aller ». J’ai donc dit que c’était un atelier de pratique artistique avec un artiste professionnel en partenariat avec L’Autre Canal. Après c’est le boulot de l’artiste de les emmener vers le chant.
Et alors Bijou, tu aimerais recommencer auprès de LAC pour des actions de ce genre ?
Avec grand plaisir, c’est enrichissant car j’ai eu un long arrêt de technique vocale donc ça m’a permis de me remettre dedans. Lorsque l’on a fait la session d’écriture, même pour moi c’était stimulant, j’ai adoré écouter les bouts de textes même si c’était des tout petits bouts. Tout le monde a un style très différent, on détecte la personnalité de chacun. Pouvoir amener les gens un peu plus loin ça me fait du bien et ça me fait me dépasser moi. Je stresse mais c’est du bon stress, comme celui de la scène. Ça me permet un échange plus poussé que quand je monte sur scène, car généralement après un concert je n’ai pas l’énergie d’échanger avec le public à la hauteur de ce que j’aimerais. C’est un plaisir de partager ma passion, tout simplement, et avec des gens heureux d’être là.