Entretien avec Sylvie Favret, professeure technique à l'UEAJ de Nancy








Dans le cadre de son engagement pour l’éducation artistique et la sensibilisation des jeunes, l’Unité Éducative d’Activités de Jour (UEAJ) de Nancy s’est associée à L’Autre Canal pour un projet alliant aventure journalistique et pratique musicale. Pendant huit mois, des mineurs sous main de justice ont eu l’opportunité de s’immerger dans le monde des médias et de la musique aux côtés de professionnels tels qu'Olivier Pernot, les rappeurs Woodsdad et Bogdan, ainsi que les équipes de L’Autre Canal. À travers des ateliers de rédaction et de création musicale, ce projet a permis aux jeunes participants de développer leur esprit critique, leur créativité et de découvrir les différents métiers liés aux musiques actuelles. Entretien avec Sylvie Favret, professeure technique à l’UEAJ de Nancy.
Comment êtes-vous devenu partenaire dans cette action culturelle avec L'Autre Canal ?
En octobre 2023, l’Unité Educative d’Activités de Jour avait monté un projet musical dans le cadre du festival Nancy Jazz Pulsations. Après avoir mis les mineurs en action autour de l’écriture de textes lors d’une résidence d’artistes au sein du service, nous avions pour objectif de les faire monter sur scène. La concrétisation de ce projet est donc passée par l’organisation d’un concert de Gospel par le NJP à L’Autre Canal, durant lequel le groupe de jeunes de la PJJ ont assuré la première partie. Par la suite, L’Autre Canal nous a recontacté pour nous proposer un projet culturel sur l’année 2024, dans le cadre de l’accès à la culture pour les publics les plus éloignés. Accompagnant moi-même notre public dans l’écriture d’un journal interne, la question du journalisme autour de la musique a immédiatement pris sens. Des subventions de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et du Ministère de la Justice nous ont permis de concrétiser financièrement le projet. Nous avons ensuite travaillé conjointement pour définir le public, le rythme et les contenus.
Quelles ont été les étapes principales de votre collaboration avec L'Autre Canal ?
Dans un premier temps, Lorraine Gasser de L’Autre Canal, nous a soumis des propositions d’actions en lien avec le journaliste Olivier Pernot et les deux artistes nancéiens Woodsdad et Bogdan. Nous avons ensuite organisé ensemble la planification des projets et leurs contenus exacts. Il s’agissait de permettre aux jeunes inscrits sur cette démarche de pouvoir se mobiliser, par une immersion progressive dans les lieux et avec les intermittents du spectacle.
















Selon vous, quels sont les apports principaux de cette action pour les participants ?
La préparation à l’insertion scolaire et professionnelle est trop souvent limitée à des projets techniques ou scolaires liés à des métiers traditionnels : le bâtiment, les espaces verts, la cuisine… L’art et la culture sont à mon sens des incontournables à l’accompagnement de nos mineurs. Ils viennent compléter des projets techniques et scolaires, où les mineurs ont l’occasion de découvrir un univers différent et y développer des compétences transférables dans d’autres domaines. Lors de ces actions, les mineurs développent des compétences psychosociales, sans même s’en rendre compte. Par la rencontre, ils améliorent leur savoir être, par un travail sur la posture face à l’autre et font des efforts particuliers de langage. Les jeunes que nous suivons n’ont pas ou peu l’occasion d’aller au cinéma ou au spectacle. Les plonger dans ce monde nouveau leur ouvre un accès à la culture par la découverte d’un lieu et la pratique d’un travail atypique. Les apprentissages dans un contexte plaisant, facilite l’implication et permet le dépassement de soi par un investissement fort. La finalité de ces projets a permis à chaque participant d’être valorisé par la réussite.
Pensez-vous que ces actions culturelles répondent à des besoins spécifiques des publics ciblés ? Si oui, lesquels ?
Tout à fait. Les mineurs que nous prenons en charge sont très éloignés du monde de la culture. En plus de leur permettre de découvrir un champ qu’ils ne connaissent pas, c’est pour nous, accompagnateurs, un moyen de travailler avec eux différents domaines de compétences, et tout particulièrement leurs aptitudes sociales, qui pourront faciliter leur accès à la formation ou au travail.
















Questions aux participant·es
Qu'est ce qui vous a motivé à y participer ?
- « J’ai toujours été passionné par la musique et l’art en général. J’ai donc tout de suite accepté d’y participer. » (Stan)
- « Je connaissais le groupe « La Fève ». J’avais très envie de les voir en concert, c’est ce qui m’a motivé à venir. » (Mohamed)
En quoi cette expérience a-t-elle changé votre regard sur la culture ou la création artistique ?
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« J’ai découvert les coulisses d’une salle de concert, avec les technologies utilisées. Je suis très ouvert à la découverte de toute forme d’art et de culture, mon regard n’a pas changé après cette expérience. Je peux simplement dire que le groupe Chinese Man m’a beaucoup plu, alors que je ne serais pas allé les voir de moi-même. » (Stan)
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« Je ne connaissais pas du tout la salle de spectacle « L’Autre Canal ». Je n’avais eu l’occasion de voir qu’un seul concert dans ma vie, Djadja Dinaz à l’Aréna, qui n’avait pas duré aussi longtemps que celui de La Fève. Je n’imaginais pas tout le travail que cela demande d’organiser un concert : la décoration, les textes de chansons, les enregistrements, l’intervention de tous les techniciens et la recherche de producteurs. J’ai constaté une grande différence entre la visite du lieu vide qui paraissait petit et le moment du concert où la salle paraissait grande avec le public présent. » (Mohamed)
Qu'avez-vous appris en participant à cette action ?
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«J’ai appris comment travaille un journaliste et le fonctionnement d’une salle de concert. J’ai également eu l’occasion d’échanger avec les techniciens son et lumière, ce qui m’a donné envie de découvrir plus profondément ce métier. » (Stan)
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« J’ai appris que le métier de programmateur était plus compliqué que ce que j’imaginais. J’ai aussi appris à formuler des questions et à prendre la parole à mon tour lors de l’interview.J’ai assisté au concert depuis une plateforme, ce qui m’a permis d’avoir un regard différent et une meilleure vue sur la scène et le public. » (Mohamed)
Est-ce que cette expérience vous a aidé à développer de nouvelles compétences ou aptitudes (artistiques, sociales, professionnelles, etc.) ?
- « Lorsqu’on est dans un environnement plaisant, il est plus facile de se conformer aux attentes et d’avoir une attitude correcte. Le journaliste nous a préparé à prendre la parole de manière adapté, dans le respect des personnes interviewées. » (Stan)
- « J’ai su m’adapter à un nouveau lieu de travail et m’intégré à un groupe pour travailler ensemble.» (Mohamed)
Pour finir, y a-t-il un moment particulier qui vous a marqué ou touché ? Pourquoi ?
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« Pendant le concert, j’ai particulièrement apprécié les jeux de lumière en fond de scène, qui participaient à raconter l’histoire de leur musique. Aujourd’hui, j’écoute de temps en temps le groupe que j’ai interviewé et vu sur scène. » (Stan)
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« Avant le concert, nous avons mangé tous ensemble et avons passé un bon moment. Cela nous a permis de mieux nous connaitre.Je regrette que La Fève ait refusé notre interview, je n’ai pas trouvé ça sympa de sa part. Merci à Clément Mijadec d’avoir accepté de présenter son métier. Cette interview était très intéressante au final. » (Mohamed)