"L’idée c’est de déclencher des choses" Entretien avec Julien Granel
Théorie et pratique des fulgurances : le moustachu le plus bariolé de l’hexagone est devenu le roi des baroudeurs en quelques années de scènes enflammées. De la couleur il a fait une philosophie, qui se retrouve dans chaque morceau, chrysalides émotionnelles qu’ils déploient mieux que personne sur scène, comme électrisé. On a discuté avec Julien Granel.
L’album est sorti il y a 9 mois, avec le recul, comment tu le regardes ?
Cet album, avec le recul, il a tout changé. Il est à l’image de plein de choses de la vie. Rien n’a été évident. Il y a eu beaucoup de rebondissements. La tournée, les gens qui m’ont découvertes cet été, l'explosion de plus fort au mois d’août septembre. D’un coup c’est devenu plus grand et les choses se sont accélérées mais c’était pas gagné d'avance, comme depuis le début en fait.
D'ailleurs ça a toujours fonctionné comme ça avec toi.
C’est comme si c’était un long voyage. C’est cool parce que ça permet de s’installer dans la durée. Ça fait plusieurs années que je suis dans de plus en plus de festivals. C’est un long processus mais il est intéressant et surtout ça me permet d’apprécier chaque étape.
Surtout dans la mesure où tu as un personnage à installer.
Oui, j’ai l’impression que les gens s’attachent à mon projet en comprenant petit à petit tout ce qu’il y a autour. Des gens qui m’ont entendu par le passé me comprennent actuellement. Je n’ai jamais eu autant de monde qu’en ce moment dans les salles. C’est la meilleure façon de marquer les gens.
Les gens dans tes concerts ils sont à 200%, ils captent que tu es un énorme performeur.
Les gens viennent dans mes concerts avec une motivation énorme. Il y a une attente qui se met en place, et c’est un échange très puissant entre nous. C’est très touchant.
Il y a aussi une dimension de vibration positive dans ta musique malgré des morceaux plus nostalgiques parfois, il y a comme une politesse de danser la tristesse et le quotidien, c’est un besoin ?
On passe tous à un moment dans la musique ou dans la vie par une quête pour combler quelque chose. Moi c’était le manque d’ouverture d’esprit qui m’oppressait le plus autour de moi. Le message que je porte aujourd’hui essaie de combler. C’est ce qui me pousse à toujours expérimenter et tester de nouvelles choses, autant artistiquement qu’humainement.
En te parant de couleurs, tu as eu l’impression de créer un super-héros ?
Le super héros est né au moment de l’album. Il y avait un truc enfantin. L’idée était vraiment de projeter un super-héros multicolore mais sans pouvoir spécial. Mettre beaucoup de couleurs sur moi, c’est une façon de me sentir bien. Je m’habille comme les pochettes d’albums que j’aime bien. Mon nom d’artiste, c’est mon vrai nom, alors on me demande souvent s’il y a une différence entre l’artiste et l’humain, mais non. Bien sur dans la rue je ne saute pas partout. Je n’ai pas l'impression de construire un personnage mais de m’écouter de plus en plus. Je ne me refuse rien artistiquement.
La scène, à ton rythme, est-ce qu’il y a des soirs douloureux où c’est plus dur d’incarner ta musique ?
Pour plein de raisons, comme tout le monde, il y a des jours où ça va et d’autres où ça ne va pas. Mais que je sois fatigué ou pas, je donne toujours la même chose. Les gens qui me voyaient dans les zéniths avec Angèle et ceux qui me voient maintenant dans des salles de 200 personnes peuvent attester que c’est le même concert. Je ne me pose même pas la question, c’est la base. Des gens paient, je me dois de tout leur donner. Il y a un échange d’énergie. Ça m’a toujours aidé à tenir. Pendant 1h20, les problèmes n'existent plus.
Est-ce que tu vois tout ça comme un travail aujourd’hui ?
Je n’ai jamais eu l’impression de travailler dans ma vie, parce que j’ai toujours kiffé. Par contre, comme je suis depuis longtemps seul dans mon projet, seul sur scène, seul à préparer le live, seul à produire mon album, il y a quand même des responsabilités et des deadlines qui rentrent en jeu et j’essuie parfois des grosses charges de travail. Mais c’est pour une finalité tellement plaisante que ça vaut le coup. Avec le temps d’ailleurs j’apprends à apprécier le chemin qui mènent à l’aboutissement. Plus ça va plus j’apprends à apprécier les galères, les imprévus, les détours. Toutes ces choses là construisent la suite pour moi. Ça m’aide aussi à mieux me comprendre mon puzzle.
C’est là aussi que c’est cool de monter doucement.
Le côté négatif, c’est que ça fait 4 ans que je suis en tournée et que je n’ai pas eu l’occasion de poser mes valises longtemps.
Oui mais ce qu’il faut dire c’est que c’est aussi parce que tes morceaux vivent leur meilleure vie sur scène.
Ça fait partie intégrante oui, bien sûr. Mais le point positif, c’est que je réalise chaque soir la chance que j’ai; Chaque scène est une victoire et je vis tout intensément. Tout ce que j’ai développé les années d’avant commence à payer. On fait des salles dans toute la France et on a du monde partout. Quand on a un jeune projet comme le mien, le risque c’est de bien remplir à Paris et que personne ne te calcule ailleurs.
C’est pour ça que passer 4 ans à semer des graines partout avec les premières parties, c’était la meilleure stratégie.
J’ai tellement joué partout en France et en Belgique en Suisse etc, que j’ai des remplissages hors de Paris qui sont des remplissages d’artistes plus installés. C’est une fierté.
Exporter ta musique et jouer hors de la francophonie c’est un objectif ?
Je suis allé jouer récemment à Montréal et j’y retourne en juin pour les francos de Montréal, j’en ai profité pour faire un détour par New-York, d’où j’ai ramené des images pour Feel Good. C’était marrant, mon style plaît beaucoup dans la rue là-bas. D’ailleurs, à part les gens qui me reconnaissent en France, les gens qui m'arrêtent sont des américains ou des anglai qui complimentent mon style vestimentaire. Il y a une anecdote amusante, un de mes morceaux a fait partie d’un programme qui s’appelle Many Musicals, destiné aux collégiens américains qui apprennent le français. Il a été étudié dans 4000 écoles, avec 10 autres morceaux français. Je n’étais pas au courant, c’est fou. Et j’ai commencé à recevoir vraiment beaucoup de messages. Les élèves kiffent le morceau et le clip de Plus fort et me disent “You are the most american french singer”. Ils ont très bien compris que la conception et la composition sont plus pensées à l'américaine que comme un morceau de variété française. Du coup c’est drôle, le morceau a pris + de 100 000 streams aux Etats-Unis en quelques jours. C’était peu de temps avant le clip de Feel Good. Du coup, ils sont pas mal à m’avoir écrit encore pour me dire “eh mais t’es à New-York en fait, viens nous voir”. Donc pourquoi pas, surtout que je pense pas que la langue serait une barrière, le français peut fonctionner. Comme toujours je fonce pour déclencher des choses. Ça s’est souvent passé comme ça alors je vais continuer de faire confiance à cette stratégie.
Propos recueillis par Première Pluie
Un contenu proposé par Première Pluie.
Le collectif Première Pluie, c’est un blog nancéien et un magazine à Nancy !