"C’est plus un soliloque pour l’humanité", Entretien avec Matt Elliott
Le plus nancéien des anglais était à L’Autre Canal toute une semaine pour travailler un nouveau set qui accompagnera la sortie de son futur disque The End of Days, prévue le 31 mars sur le label Ici d’Ailleurs. Fin du monde, envie de ne jamais se répéter, futurs projets, la voix grave la plus iconique de la région a répondu à nos questions après la pause-café.
Tu as acquis une certaine notoriété mais peux-tu te présenter rapidement ?
Je m’appelle Matt Elliott, je suis musicien depuis 25 ans. J’ai commencé avec un projet un peu électro, maintenant je fais une sorte de folk assez triste. Je suis en résidence cette semaine à L’Autre Canal, à Nancy, où j’habite. Pas dans L’Autre Canal, mais à Nancy (rires).
Cette résidence, peux-tu nous expliquer en quoi elle consiste et ce que tu viens y faire ?
On essaye de construire un set live. Je joue avec un contrebassiste et une pianiste. Elle habite à Lille et lui à Paris donc on n’a pas beaucoup d’opportunités de répéter et on en profite ici. On a deux filages aujourd’hui, un à 15h et un à 18h et je stresse. Mais bon, c’est normal, je stresse pour tout. Sinon on a passé de bons moments sur scène mais aussi à l’extérieur, on est allé en ville, à l’Échanson par exemple, le fameux bar à vins. J’avais travaillé avec eux avant, mais là c’est pour le set du nouveau disque et on revisite un peu Drinking Songs, un album que j’ai sorti il y a presque 20 ans. Je l’ai redécouvert dans la manière de rejouer les morceaux. Voilà ce qu’on fait. C’était bien mais je suis un peu stressé de voir comment les gens vont réagir à ce qu’on a fait.
Peux-tu présenter la pianiste et le contrebassiste qui sont avec toi cette semaine ?
Jeff Hallam est un contrebassiste vedette, il a joué avec Dominique A et je ne sais plus combien de groupes. Il a son style, il peut tout faire. Il est sur le disque donc il connaît déjà les morceaux. Barbara Dang, la pianiste, on s’est rencontré lors d’un tribute à Moondog. Quand j’ai vu la rapidité avec laquelle elle apprenait et sa manière magnifique de jouer…Dès qu'elle se met à jouer c’est toujours magnifique. Elle est vraiment douée et sympa, les deux le sont d’ailleurs. Ça déjà c’est facile. Parce que des fois les musiciens sont compliqués. Moi par exemple… je suis con (rires). Mais c’est un vrai plaisir et un honneur de jouer avec eux.
Et Barbara est aussi sur l’album comme Jeff ?
Elle n’est pas sur l’album parce que David Chalmin, qui est le co-producteur de tous mes disques, depuis 2011, fait le piano. On a un super bon rapport. Il a des pianos chez lui, tout ça. Il aime bien faire contribuer son piano à mes disques. Donc oui ce n’est pas elle sur mon disque mais il n’y a pas de souci. Elle ne fait pas la même chose que David, elle ajoute quelque chose d’autre que j’aime bien, que j’apprécie. Mais des fois c’est un problème, car les deux font des choses si belles que je suis dérangé et je suis là « ah mais c’est si beau ! » et j’arrête de faire ce que je fais. C’est super intéressant de bosser avec eux.
Qu’est-ce qui change entre l’enregistrement de l’album et le travail sur scène en live ?
Je ne suis pas quelqu’un qui aime refaire exactement la même chose. Pour moi, un disque, c’est pour… tu prends un bain, je ne sais pas quoi et tu écoutes en paix. Je suis old school donc… Mais même écouter le disque dans l’ordre je ne le fais pas, j’ai des playlists sur shuffle quand je cuisine… Bref, ça c’était l’intention. Mais sur scène c’est quelque chose d’autre. On a du volume, on joue différemment. Pour moi il n’y a rien de plus nul que de voir l’album joué exactement comme il est sur disque. On va faire un tribute aussi pour les 20 ans de Drinking Songs, mais on ne va pas faire la même chose. On va essayer de faire les choses live mais 20 ans plus tard, donc on va faire en sorte que ça se soit bonifié avec le temps. Peut-être même essayer de faire les choses comme je les voulais à l’époque mais que je n’arrivais pas car j’étais jeune. J’espère être un peu plus doué maintenant.
Est-ce qu’il y avait différentes étapes de travail spéciales cette semaine ?
Non on a attaqué les morceaux un par un les premiers jours pour voir ce qui est possible. Ils sont un peu chiants parce qu’ils sont super longs avec beaucoup de parties. C’est pour se familiariser et ça prend du temps, donc on a juste fait ça et après on a fait des filages. Ce matin j’étais un peu stressé. Steph, le patron (Ici d’Ailleurs) était là et c’était stressant de ne jouer que pour lui, j’avais peur qu’il vienne et me dise « non mais ça c’est de la merde ! » alors qu’il ne dirait jamais ça. Donc oui je stresse que maintenant car on a bossé toute la semaine pour ce soir, et dans l’après-midi j’ai un filage privé assez important.
Pour ce nouveau live, à quoi on peut s’attendre ? À quels types d’ambiances ?
Le nouvel album s’appelle The End of Days parce que j’essaye d’exprimer ce que c’est de vivre quand tu as vraiment l’impression que c’est la fin du monde. Je suis quelqu’un qui croit en la science et toutes les prédictions ne sont pas cool. C’est bizarre d’exister en ce moment, c’est génial pour beaucoup de raisons mais en même temps, de voir la fin arriver… Si tu as des enfants et tout ça, j’ai vraiment peur de ce qu’il va arriver dans 10, 15 ans. Je parle de ça mais ce n’est pas non plus un disque de misère. C’est un peu plus difficile à dire pour moi car je suis tout proche, mais c’est plus un soliloque pour l’humanité. C’est triste parce qu’aujourd’hui avec les technologies et les connaissances qu’on a, on pourrait vivre tous en paix et avoir le minimum. Mais non, on est dirigé vers une chute. Juste pour cent mille mecs qui ne pourront jamais dépenser tout ce qu’ils ont, c’est vraiment stupide. Donc voilà c’est plus ça, un soliloque. Mais il y a aussi un des plus beaux morceaux que je n’ai jamais fait. C’est léger, même pas dans une gamme mineure mais majeure ce qui est rare chez moi. C’est un petit changement de direction qui est toujours bien, car je ne veux pas toujours faire la même chose. Je suis un peu nerveux car à chaque fois que tu vas dans une autre direction, il y a toujours les gens pour dire « whoa j’adore ça » et les autres « oh mais tu ne peux pas faire quelque chose comme Drinking Songs ». Je dis oui, mais juste attend l’année prochaine. J’ai déjà sorti mon nouveau single hier et ça a plutôt été bien reçu par tout le monde donc je croise les doigts.
Propos recueillis le vendredi 27 janvier 2023
"The End of Days", le nouvel album de Matt Elliott, sera disponible dès le 31 mars 2023 chez Ici D'ailleurs.