Booker, origine Nancy : Rencontre avec Violette, Nicolas, Romain et Amin








Violette Kobuta, Nicolas Jammas, Romain Piquerez, Amin Raffed sont quatre anciens nancéiens. Elle était directrice artistique pour un club ; ils ont sué sur les scènes comme musiciens. Tous sont maintenant bookers pour des groupes comme The Psychotic Monks, Therapie Taxi, Last Train ou The Bloody Beetroots. Ils seront présents pour une conversation croisée lors l’Open Club Day, le 1er février 2020. Présentation.
Pouvez-vous vous présenter ?
Violette Kobuta : J’ai 29 ans et je travaille dans le monde de la musique depuis 8 ans. Originaire de Nancy, je vis à Paris depuis 4 ans.
Romain Piquerez : Je suis nancéien d'origine et j'ai 31 ans. J'ai fait des études à l'Université de Nancy en AES. Au début de la vingtaine, j'ai eu un groupe à Nancy qui s'appelait The Napoleons.
Amin Raffed : J’ai 28 ans et je suis bookeur, tourneur et producteur pour de nombreux artistes et spectacles chez A Gauche De La Lune. Originaire de Nancy, j’avais un groupe du nom de Capture. Nous étions d’ailleurs accompagnés par l’Autre Canal.
Nicolas Jammas : J’ai 31 ans. Je vis à Paris depuis 2014 mais je suis originaire de Laneuveville Sous Chatenois, dans les Vosges. Je n’ai pas vraiment fait d’études, j’ai appris sur le tas. Je travaille chez UNI-T depuis bientôt 6 ans. Au départ j’étais assistant de production. Je suis maintenant chargé de projet depuis 3 ans.
Comment êtes-vous devenus booker/bookeuse ?
Nicolas : J’ai toujours été passionné par la musique et ses métiers. J’ai commencé comme musicien, dans différents projets. Mais je me suis toujours senti plus attiré par les gens qui travaillent dans l’ombre plutôt que par le fait de jouer de la musique. Au fil des rencontres et des expériences, je me suis retrouvé aux Formations d’Issoudun et j’ai fait mon stage chez UNI-T en 2014. Je n’en suis jamais parti.
Romain : J'ai appris à m'occuper de mon groupe et à trouver les appuis nécessaires, comme L’Autre Canal, Envie d'Agir, Le Grand Nancy, les lieux de concerts, les festivals, etc. À 24 ans, j'ai quitté Nancy pour m'installer à Paris et suivre la formation Économie et Gestion des Projets Musicaux, proposée par l'IRMA et L’Université de Nanterre. Pour mon stage, j'ai sollicité les boîtes qui me parlaient le plus au niveau de leur roster (ndr : le catalogue de groupe). J’ai démarché Alias et Radical mais je n'ai jamais eu de réponses. Bobun Production, une petite boite, m'a accepté. Elle m’a confié très rapidement des responsabilités sur le booking d'artistes. J'ai gravi les échelons rapidement en signant mon premier groupe à la fin de mon stage. Il s’agissait de Last Train qui a remporté le prix du Printemps de Bourges 3 mois après. Puis, j’ai repris la gérance de la structure. Nous l’avons renommé Control Production. Je suis parti chez Alias quelques mois plus tard.
Violette : Après une fac de droit et une licence en musiques actuelles, j'ai travaillé en tant que programmatrice artistique pendant 4 ans. Mon travail consistait à collaborer avec des agences françaises et internationales afin de faire venir leurs artistes dans la salle où je travaillais. En 2015, l'une de ces agences m'a recrutée en tant que bookeuse. Mon expérience de la programmation m'a permis de comprendre les enjeux des programmateurs qui sont mes principaux interlocuteurs aujourd'hui.
Amin : Certains ont fait des formations ou des études dans les musiques actuelles, moi j’ai opté pour l’école de la vie. Avec Capture, nous avons tourné en France et cela m’a permis de me créer un réseau. J’étais aussi en licence «Information et communication » à l’Université de Lorraine. N’étant pas du tout convaincu par ce que je faisais, j’ai choisi de postuler comme stagiaire dans plusieurs agences de booking. Je me suis retrouvé chez Control Production où mon ami Romain travaillait. En six semaines de stage, j’ai pris goût à ce métier. J’ai décidé de tout quitter à Nancy. Je me suis jeté dans la gueule du loup à Paris, à galérer et à vivre avec 600€ par mois en auto-entrepreneur. Très rapidement, j’ai été approché par plusieurs boites de production, dont A Gauche De La Lune pour qui je travaille aujourd’hui.
Faire du développement d’artistes, c’est aussi aller en studio avec eux, faire le lien avec management et label, imaginer des stratégies.
Amin Raffed
Pouvez-vous décrire votre — ou plutôt vos métiers ?
Amin : Je suis « chargé de diffusion », ou plus vulgairement un agent ou un bookeur. Je repère des artistes émergents et je développe leur carrière en France ou à l’étranger. Je contacte toutes les salles et les festivals pour les y placer. Faire du développement d’artistes, c’est aussi aller en studio avec eux, faire le lien avec management et label, imaginer des stratégies. Il faut gérer son artiste pour le faire connaitre et lui donner la meilleure exposition possible.
Violette : Mon métier consiste en l'élaboration de tournées de concerts. Je représente un catalogue d'artistes pour lesquels je négocie des contrats de représentation. J'ai également une mission de découverte de talents, c'est à dire être en veille permanente des artistes émergents et des nouvelles tendances de la scène actuelle.
Nicolas : J’accompagne des artistes dans leur carrière via le live et la scène. On commence à travailler ensemble au tout début et je les aide à développer leur projet et leur spectacle, en étroite collaboration avec leurs managers, leurs labels, leurs éditeurs. J’accompagne des artistes en développement et des artistes plus confirmés. Pas une seule journée ne se ressemble, les problématiques sont toujours différentes.
Romain : Mon job s'intitule Directeur Artistique et de Production. Je cherche à monter un catalogue d'artiste. Je guette les artistes émergents, à l'affût des nouvelles signatures qui feront les succès de demain, artistiquement ou commercialement. Je monte des tournées pour mes artistes ou groupes. Je surveille les budgets des dates parisiennes. En outre, nous devons faire un travail d'ensemble avec les partenaires : attachés de presse, managers, éditeurs. Nous cherchons aussi des financements publics pour aider les tournées des artistes en voie de développement (ex. les subventions auprès du CNM, l’Adami, etc). Enfin, je me déplace sur plusieurs festivals de showcases professionnels comme The Great Escape, Reeperbahn, Eurosonic. Je recherche des nouveaux groupes internationaux pour les promouvoir en France et aussi à exporter mondialement des artistes français que nous avons.
Il y a deux ans, un artiste que j'ai écouté toute mon adolescence m'a demandé de le représenter. (...) une belle récompense !
Violette Kobuta
De quoi êtes-vous les plus fiers dans votre parcours ?
Nicolas : Je suis fier de travailler avec des artistes talentueux et surprenants. Je prends beaucoup de plaisir à les voir avancer dans leur carrière et dans la vie en général. Mon moment préféré c’est quand le concert se passe à merveille, que le public est heureux et que le groupe ou l'artiste descend de scène avec le sourire. Je suis aussi très fier de bosser dans une boite comme UNI-T et de partager ça avec mes collègues au jour le jour. J’apprends beaucoup auprès d’eux, en tant que professionnel et en tant que personne.
Romain : Je suis fier d’avoir signé Last Train, du travail que j’ai fourni pour le groupe et de la relation que j’ai entretenu avec lui.
Violette : Il y a deux ans, un artiste que j'ai écouté toute mon adolescence m'a demandé de le représenter. Qu'une personne que j'admire me contacte pour travailler avec moi est à mes yeux une belle récompense !
Amin : Ma liberté d’action ! On ne m’impose rien, on me fait confiance. Je signe ce que je veux, tant que j’y crois. Cela me permet de travailler avec des groupes plutôt indie ou rock, deux styles qu’on retrouve de moins en moins dans les scènes aujourd’hui. Je bosse notamment avec The Psychotic Monks. Ce groupe de post punk ne sera jamais un groupe commercial passant à la radio. Il est pourtant présent sur toutes les scènes en France et à l’étranger !
Quels adjectifs ou mots te viennent en tête quand tu penses à ta vie pro ?
Nicolas : Parfois c’est fatiguant, compliqué, chronophage. Mais la plupart du temps c’est jouissif, surprenant et très valorisant.
Amin : Courageux, persévérant, sociable, ouvert d’esprit, réfléchi, instinctif, organisé, fonceur, à l’écoute, passionné
Romain : Rock, fatigue, fêtes, voyage, boulot, plaisir, festivals, tournée, budget, relationnel.
Violette : Je dirais passionnant, palpitant et exigeant.
Je conseillerais d'essayer de ne pas avoir à démarcher les pros. C’est beaucoup plus intéressant quand ce sont eux qui viennent à toi.
Nicolas Jammas
Quels conseils donnerais-tu à un artiste qui veut se faire booker par un pro ?
Violette : Je lui conseille d'abord de bien travailler la stratégie de son projet. Pour écrire une tournée cohérente avec les ambitions de l'artiste, j’ai besoin d'une actualité discographique pour prendre la parole efficacement auprès des programmateurs. Une bonne stratégie et une actualité régulière sont pour moi la base d'une belle tournée. Ensuite, je lui conseille d'être toujours disponible et de proposer un live irréprochable.
Amin : Je lui recommande d’abord de se tourner vers une SMAC. Son·sa chargé·e d’accompagnement peut lui donner ses premières cartes pour se faire repérer par les pros. Il faut réussir à sortir du lot et il est important de savoir se débrouiller. Il ne faut pas penser uniquement à sa musique car l’image et le live sont très importants ! Pour contacter un booker, je recommande d’envoyer un mail concis avec les informations principales sur le groupe et pas se contenter d’envoyer juste des liens. Il faut lui montrer que le projet est sexy car nous recevons énormément de propositions.
Romain : Ne pas mettre la pression à un booker. Ne pas lui écrire un mail de mille lignes. Trouver une manière originale mais sérieuse de le rencontrer. Mais ne pas forcer la rencontre ou insister sur un projet inconnu pour le moment. Trouver une alternative comme passer par quelqu'un que le booker connaît, trouver un chemin annexe. Je recommande aussi de se présenter à des tremplins comme le Printemps de Bourges.
Nicolas : Je conseillerais d'essayer de ne pas avoir à démarcher les pros. C’est beaucoup plus intéressant quand ce sont eux qui viennent à toi.
Je conseille de s'intéresser au fonctionnement du business, de comprendre qui fait quoi et pourquoi.
Romain Piquerez
Quels conseils donnerais-tu à une personne qui veut devenir booker/bookeuse ?
Violette : Selon moi il n'y a pas d'études ou de parcours idéal. L’essentiel est d'être motivé, d'avoir de l'assurance et surtout une parfaite connaissance des lieux culturels et des festivals en France.
Romain : Je conseille de s'intéresser au fonctionnement du business, de comprendre qui fait quoi et pourquoi. Je conseille de vivre dans une grande ville comme Paris, Lyon, Nantes, Lille, Toulouse, Bordeaux, de sortir énormément et de commencer en stage. Je conseille aussi de suivre le maximum de choses et des nouveaux artistes en développement. Enfin, il faut avoir le sens du relationnel.
Nicolas : Je conseille d’être patient, curieux, passionné, humble. Les rockstars sont sur scène, pas derrière un ordinateur ou un téléphone. On est là pour servir les artistes, on bosse dans leur intérêt. Il me parait primordial de respecter tous les interlocuteurs au jour le jour et de voir à long terme. C’est important de nouer des liens de confiance avec les salles, les promoteurs, les festivals, les techniciens, les prestataires et tous les gens en général. On est là pour apporter du plaisir au public et faire de beaux spectacles, même si la dimension économique est omniprésente. Ce n’est que de la musique mais c’est important de faire ça avec sérieux et bienveillance.
Amin : Je souhaite bon courage ahah ! Pour faire ce métier, il faut être solide psychologiquement, rigoureux, réactif et concis dans ses actions et ses choix. Il faut aimer le challenge, connaître ses priorités et avoir la tête sur les épaules. Aucune journée n’est pareille et on doit traiter énormément d’informations constamment. Il faut être passionné par la musique et être aux aguets de ce qu’il se passe en France comme à l’étranger. Aussi, il ne faut pas oublier de gérer ses artistes car ils ont besoin de sentir soutenus et accompagnés. Ce métier est avant tout humain.